L'Ordre des Chevaliers de Rhodes - Le siège de Rhodes le 23 mai 1480

Publié le par Athina GIOBLAKI

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Le sujet principal de ces deux peintures c’est le siège de Rhodes par le Turcs le 23 mai 1480

 

Période de référence : Moyen age 15eme siècle 

Manuscrit de Guillaume Caoursin    

Taille : 25 X 53  + 20X42

Bois : Bois ancien 

Couleurs : couleurs naturels mélangées avec œuf et vinaigre

Année de production : 2010 Rhodes Grèce

  

   

 

 

 

 

 

 

 

Le 23 mai 1480, le Sultan Mahomet le Grand dépêche 160 navires vers l'île de Rhodes et y fait débarquer sur le golfe de Trianda, une armée de 70 000 hommes, sous les ordres du pacha Misach Paléologue, ancien prince byzantin converti à l'Islam. Les Turcs choisirent la partie de ce rivage que le mont Philermo dérobe à la vue de la place, afin de pouvoir opérer leur débarquement sans être inquiétés par l'artillerie des remparts, la descente sur le rivage de toutes les troupes ennemies et de leur immense matériel ne put avoir lieu sans combat.
Le grand maître n'avait pas l'espoir de l'empêcher; mais il considérait qu'il était de son devoir et de son honneur de n'en pas rester passif spectateur.

A peine donc les premières barques se furent-elles approchées de la terre, que l'on put voir la mer se teindre du sang qui déjà se mêlait à ses eaux; car, sans attendre que les plus hardis des Osmanlis eussent abordé, les Hospitaliers allèrent au-devant d'eux, en poussant leurs chevaux dans les flots.

Quels que fussent les obstacles apportés par la bravoure des chrétiens, il sortait des flancs des navires mahométans de telles nuées de Turcs, que la plage ne tarda pas à être envahie. Il ne restait plus aux chevaliers qu'à s'enfermer dans leur ville pour en défendre les créneaux. Les infidèles, comptant sur leur grand nombre pour intimider la garnison, n'eurent pas plutôt garni les hauteurs qui dominaient la place, qu'ils envoyèrent à d'Aubusson une sommation de la rendre, et d'avoir à capituler. Il est inutile d'ajouter que le méprisseul fut la réponse du grand maître. Cette insolente injonction ayant été repoussée comme elle le méritait, la voix du canon se fit entendre.

S'ensuivent 89 jours de martellement d’un siège au cours duquel les Turcs essayent à coups de canons et d'explosions de mines de faire une brèche dans les murs de la forteresse, mais sans succès.

Le grand maître Pierre d'Aubusson oppose à la force turque 450 chevaliers,

4 000 mercenaires et quelques compagnies formées de citoyens.

 

Les Ottomans premier objectif stratégique était de capturer la Tour Saint-Nicolas, qui était le point-clé des chevaliers dans la défense des deux ports: le commercial, Mandraki, et celui de la baie à l'est de Akandia.

La tour élevée, par la savante prudence de Raymond Zacosta, était une des clefs de la ville, et ce point fut judicieusement choisi par l'ennemi pour but de ses premiers coups. A cause de son importance, d'Aubusson en avait confié la défense au commandeur Fabrizio Carretto, de la langue d'Italie.

Endommagée par les boulets, la première enceinte commençait à s'écrouler, lorsque le grand maître, non content de toutes les précautions qu'il avait prises pour entraver une attaque de vive force, et ne se reposant sur personne du soinde défendre ce poste important, s'y porta lui-même à la tête de ses plus braves chevaliers, dans la prévision que l'escalade ne s'en ferait pas longtemps attendre. Pour résister à cet assaut, il établit à la hâte une palissade de madriersserrés les uns contre les autres et reliés par de fortes ferrures. Pendant la nuit, il fit jeter dans la mer, là où elle était basse et guéable, une grande quantité de planches armées de pointes de fer, qui devaient être sous les pieds de l'infanterieturque un obstacle inattendu. Le grand maître ordonna en outre que les murailles voisines fussent garnies d'arquebusiers, afin de prendre les assaillants d'écharpe et de flanc. On avait aussi rassemblé au pied de la tour des barques chargées de fascines enduites de goudron, d'huile et de soufre, destinées à servir de brûlots, et à être lancées contre les navires turcs qui tenteraient de s'approcher. La nuit se passa dans ces préparatifs du côté des assiégés.

Ils étaient à peine achevés, que le jour, commençant à poindre, permit de voir un grand nombre de bateaux couverts de troupes, du milieu desquels s'élevaient d'immenses clameurs mêlées au bruit des cymbales et des tambours. L'escalade fut bravement tentée, malgré le feu nourri des assiégés et des obstacles qu'ils avaient accumulés. Les Turcs s'élancèrent avec furie sur les décombres de la tour, où ils furent accueillis par les chevaliers avec le sang-froid et la bravoure imperturbables qui caractérisaient ces guerriers éprouvés. Leurs ennemis n'étaient pas indignes d'eux par le courage: c'était pour la plupart l'élite des vieilles bandes qui, sous Amurat ou Mahomet, avaient combattu en Europe et en Asie. L'attaque se présentait avec des chances égales à celles de la défense, et les coups étaient aussi terribles d'un côté que de l'autre. Mais au plus fort de cette terrible mêlée des chevaliers défendant leurs créneaux, et des Turcs s'y accrochaient avec rage, une attaque imprévue contre la colonne des assaillants fit diversion à l'assaut du fort Saint-Nicolas.

Les bataillons serrés des Osmanlis, dont les premiers rangs seuls étaient engagés sur le talus de la tour, furent vigoureusement chargés par une troupe sortie de la ville. Entraînée par l’exemple et l'ardeur du grand maître, qui, à cheval, la commandait en personne, elle coupa en deux la colonne turque et y fit un grand carnage.

Ebranlés par ce choc impétueux, craignant de ne pouvoir regagner le camp sur leurs vaisseaux, au milieu desquels l’incendie se manifestait, les Ottomans se décidèrent à la retraite.  Le général de Mahomet, qui avait déjà vu tomber ses plus braves soldats, commençait à soupçonner qu'il pourrait perdre inutilement beaucoup des siens sur un point dont l'importance n'échappait pas plus au grand maître qu'à lui-même.

Il résolut donc de changer de plan.  Parfaitement servi par ses espions, qui le renseignaient sur les cotés faibles de la place, il dressa des nouvelles forces en face des murs qui protégeaient le quartier des Juifs. Elles y causèrent de grands ravages, et il y aurait eu tout lieu de craindre l’envahissement prochain des brèches, si d'Aubusson n'eût employé tous les bons même si n'étaient pas armés à élever sur son arrière un second retranchement protégé par un large fossé creusé à la hâte. Toute la population rivalisa de zèle avec la garnison dans ces travaux de défense commune.   Les vieillards, les femmes, les enfants, et jusqu'aux religieuses, tout le monde y contribua. Les Turcs continuèrent leur feu, et de la large gueule de leurs basilics sortaient d'énormes boulets de marbre ou de granit qui avaient jusqu'à deux pieds de diamètre. Ces monstrueux projectiles répandaient la terreur à l'intérieur de la ville, dont les maisons s'écroulaient sous le poids de leurs masses. Pour obvier aux dangers auxquels les habitants étaient exposés, d'Aubusson fit dresser des tentes au centre de la ville, sur des places que ne pouvaient atteindre les coups de l'ennemi, et on y retira les femmes avec les enfants, qui furent ainsi mis à l'abri du feu de l'ennemi. Pendant ces furieuses canonnades, les dévotions ne cessaient pas dans les églises, où se pressait le peuple en prière.  Cependant le siège traînait en longueur, et la garnison faisait si bonne contenance, que les Turcs n'osaient pas tenter un assaut qui ne paraissait pas devoir être couronné de succès. Le pacha essaya de la trahison. préjugeant mal de l'esprit qui animait les défenseurs, il pensait ne devoir attribuer leur opiniâtreté qu'au commandement de ce fier grand maître dont l'orgueil personnel avait pu seul faire rejeter les ouvertures du sultan.  Empoisonner d'Aubusson était donc aux yeux du général turc le moyen de réduire les chevaliers. 

Mais les instruments du crime qu'il avait médité n'eurent pas le temps de le mettre à exécution. Découverts, les misérables qui s'en étaient chargés furent mis en pièces par la population avant de pouvoir être jugés.  N'ayant pas réussi à pénétrer dans la ville par le quartier juif, les Turcs pensèrent être plus heureux du côté du rempart défendu par la langue d'Italie. Ils y disposèrent une batterie couverte par un blindage fait de forts madriers garnis de fascines. Mais avant qu'elle pût ouvrir son feu, un chevalier italien, prenant avec lui cinquante hommes déterminés, traversa de nuit le fossé, et tomba à l’improviste sur les canonniers turcs, qu'il mit en déroute. Après en avoir tué un grand nombre, il rentra dans la place avec quatre têtes à turban, qu'il présenta au grand maître.  A la suite de cet échec, la perfidie n'ayant pas eu plus de succès que l'attaque de vive force contre les murailles de l'est, le pacha en revint à son premier dessein, celui de s'emparer à tout prix du fort Saint-Nicolas.

Les Turcs imaginèrent cette fois de fabriquer un pont de bois à l'extrémité duquel était attaché un câble qui traversait l'anneau d'une ancre fixée sous l’eau, au pied de la tour; l'autre extrémité de ce câble, tirée par les assaillants, devait faire mouvoir le pont et l'amener jusqu'à la brèche.Mais la manœuvre, éventée, fut déjouée par un marin qui se dévoua. Il plongea, de nuit, jusqu'à l’ancre, qu'il parvint à déraciner, de manière que quand l'ennemi voulut faire avancer le pont au moyen du câble, il resta immobile, l'ancre seule glissant au fond de la mer.Ce fut en vain que les Turcs mirent tout en œuvre pour haler leur pont jusqu'à la tour, en l'amarrant à des galères. Malgré des efforts inouïs, ils ne purent réussir à l'y conduire,et force fut d y suppléer au moyen de bateaux plats qu'ils relièrent entre eux par des planches, et qui formaient comme une chaussée pour atteindre le pied du fort Saint-Nicolas. Des troupes choisies parmi les meilleures de l'armée s'y élancèrent, munies de matières incendiaires, d'échelles et de tous les engins nécessaires.

Comptant davantage sur les chances que lui offriraient les ténèbres, ce fut longtemps avant le jour que le pacha ordonna cette seconde attaque.  Elle faillit devenir fatale aux défenseurs, qui, tout en déployant la plus grande bravoure et en se multipliant, ne purent empêcher les plus hardis des assaillants d'escalader les murs, où ils venaient se faire tuer, en se succédant sans relâche. Le combat fut long, terrible, et il emprunta aux ombres de la nuit tout ce qu'elles pouvaient ajouter d'horreur aux plus effroyables scènes de carnage.  Au dehors de la tour, l'incendie, les cris des assaillants, le tumulte de l'attaque, le bruit des armes, les imprécations des blessés, les blasphèmes des mécréants; au dedans, le morne silence des assiégés, qui, avec la résolution et le sang-froid d'un courage qui se contient pour ne pas se perdre, frappent, tuent, pour frapper encore à coup sûr. Le combat durait depuis plusieurs heures; un nombre considérable de Turcs avait péri.  Leurs navires s'embrasaient; leur pont, couvert de troupes de renfort, était brisé par les batteries de la ville.

La retraite allait leur être coupée, et ils n'auraient bientôt plus eu que la mer pour échapper aux coups des chrétiens, lorsqu'ils se décidèrent  à abandonner ce théâtre de leur nouvelle défaite.  Un témoin oculaire rapporte que l'aube du jour éclairant les flots de ses premières lueurs, les montra rouges de sang, couverts de turbans, d'armes et de débris de tout genre,épaves sanglantes de ce grand désastre.

Un autre auteur raconte que les vagues qui s'allongeaient sur le rivage ne cessèrent pendant plusieurs jours d'y rejeter des cadavres turcs, dont la plupart étaient vêtus de riches costumes de soie et d'or, dépouillés qui furent une excellente aubaine pour la populace de Rhodes. Parmi ces présents funèbres que la mer faisait ainsi aux vainqueurs, on reconnut le corps d'un Osmanli de haut rang; c'était un gendre du Grand Seigneur et son favori. Repoussé deux fois, avec de grandes pertes, du fort Saint-Nicolas, rebuté par ses vaines canonnades contre les murailles, qu'allait faire le pacha? Il donna à ses soldats découragés le temps de se remettre; et après mille hésitations, que dominait sans cesse la crainte de la fureur qui transportait son redoutable maître en apprenant son peu de succès le général turc se détermina à essayer de nouveade battre en brèche les remparts, en y employant toute son artillerie. Cette nouvelle attaque, sur une ligne étendue, ne laissa pas que d'inquiéter le grand maître, qui jusqu'à ce moment avait pu concentrer ses forces sur les points isolément menacés. Il fut tenu plusieurs conseils, dans lesquels les chefs éclairés de l’ordre délibérèrent sur les moyens les plus efficaces de défense. Un ingénieur de la ville en fit adopter un de son invention: c'était l'emploi d'une espèce de baliste lançant à la fois plusieurs grosses pierres qui atteignaient les Turcs dans leurs batteries ou dans leurs parallèles et les y écrasaient.  Par allusion à la reconnaissance de sa souveraineté que Mahomet II avait voulu imposer à l'ordre, et par dérision, on donna à cette machine le nom de Tribut.  Malgré le secours que cette arme nouvelle prêtait aux assiégés, leurs adversaires n'en continuaient pas moins leurs approches, et leur tir produisait des effets si terribles, que de nombreuses brèches mirent bientôt la place en péril. Lorsque le pacha vit les murailles en partie détruites, les fossés comblés sur plusieurs points, il crut le courage des chevaliers ébranlé, et pensa que c'était le moment d'essayer encore de corrompre la population. Il eut recours à ses archers, et leur donna l’ordre de lancer dans la ville, au moyen de leurs flèches, des lettres dans lesquelles il dépeignait le friand Seigneur sous les couleurs les plus séduisantes, connue un souverain paternel, généreux,qui gouvernerait les habitants de Rhodes avec des sentiments de douceur tout si différents de ceux des chevaliers, qu'il représentait comme des maîtres durs, fiers et despotes.  Mais l'effet de cette correspondance ne fut pas celui qu'en attendait le pacha. La population ne fit que rire de ses missives, qu'elle tournait en ridicule, redoublant les témoignages de sa fidélité et de sa reconnaissance envers le grand maître, dont elle n'avait jamais reçu que de bons traitements et des marques de dévouement eu tout ce qui pouvait la sauvegarder dans ces graves conjonctures.  N'ayant pas réussi à ébranler la constance des Rhodites, ce fut auprès du grand maître lui-même que le général turc voulut tenter une démarche dont l'esprit était tout différent.  Il essaya d'un appel aux sentiments d'humanité et de paternelle sollicitude que devait éprouver d'Aubusson pour la population dont il avait le sort entre les mains.  Un parlementaire se présenta donc sur le bord du fossé. Après avoir fait ressortir la puissance de Mahomet et la valeur de ses troupes, qui emporteraient infailliblement la place, il chercha à émouvoir le grand maître, objectant à sa volonté inébranlable que son devoir de prince lui imposait l'obligation de ne pas exposer la vie des nombreux habitants; que, général, il était tenu également d'épargner le sang de ses soldats, et de ne pas réduire chrétiens et Turcs à un combat désespéré. Il ajoutait que si ces conseils de paix étaient écoutés, et que la ville fût remise aux mains du tout-puissant et invincible sultan, son autorité étant ainsi reconnue à Rhodes, Mahomet s'engageait à signer la paix dont un traité d'amitié serait le gage sans rien enlever à l'ordre de Saint-Jean de ses possessions. Mais le piège était trop grossier, le gage trop léger, et le grand maître repoussa cette ouverture, en disant que s'il avait des devoirs d'humanité à remplir envers la population, il n'en avait pas moins d'un ordre plus élevé, comme chef d'une milice héroïque qui préférait la mort en combattant à la lâche reconnaissance d'une souveraineté qu'il fallait conquérir les armes à la main avant de l'imposer; que si Rhodes devait obéir à la loi du sultan, c'était à son armée à y contraindre par la force, et qu'il n'y avait d'autre entrée dans la place, pour le lieutenant du Grand Seigneur, que celle de la brèche; que c'était au pacha de se l'ouvrir, comme à lui-même de la défendre.

 

Les termes dans lesquels était conçue la réponse de d'Aubusson irritèrent tellement le général turc, qu'il jura d'exterminer jusqu'au dernier des défenseurs de Rhodes.

La présomption et l'aveuglement de sa fureur allèrent même, dit-on, jusqu'à lui faire préparer un grand nombre de pieux pour empaler les chevaliers, sans songer, dans sa puérile colère, qu'il fallait d'abord s'en emparer. Pendant les pourparlers qui avaient eu lieu, le grand maître avait fait réparer les brèches, et dresser en arrière de nouveaux obstacles, des murs entiers, où la terre, le bois, les pierres, tous les matériaux que l'on put trouver furent amassés, serrés les uns contre les autres, de manière à arrêter l'ennemi s'il parvenait à se rendre maître de la crête des remparts.

De leur côté, les Turcs avaient continué leurs approches, et leur tir augmentait la ruine des murailles et des bastions.  On touchait à l'instant suprême.   En effet, le pacha ne tarda pas à ordonner l'assaut au quartier juif, qui lui paraissait encore le plus vulnérable. Ses soldats s'étaient emparés de la brèche par surprise, et ils allaient se répandre dans la ville, lorsque le Grand maître, accourant avec son frère, le vicomte de Monteil, suivi de l’élite de ses chevaliers, leur barra tout à coup le passage.

Le combat sur ce point devient terrible, acharné. Vingt fois les Hospitaliers plient accablés par le nombre, vingt fois leur bravoure fait reculer les Turcs.

Ceux-ci reviennent toujours à la charge, poussés par les troupes fraîches qui les soutiennent. Leur foule innombrable couvre tout le terrainen face du rempart. D'Aubusson est partout ; l'œil en feu, il excite ses frères de la voix, il frappe tout ennemi qui s'approche à portée de sa redoutable épée. L'héroïque vieillard rajeunit dans la mêlée; sa verte bravoure enflamme ses compagnons, qu'il guide avec le sang-froid d'un capitaine éprouvé. Enfin, après des prodiges de valeur, après avoir tué de sa main plusieurs infidèles, et couvert de blessures dont une paraît mortelle, le grand maître reconquiert les remparts, qu'abandonnent dans le plus grand désordre les Turcs, terrifiés d'une vaillance qu'ils considèrent comme surhumaine. Le pacha, témoin du combat et de la déroute de ses troupes, est lui-même entraîné par les fuyards vers son camp, où les chrétiens, dans l'ardeur de la poursuite, pénètrent jusqu'à sa tente, d'où ils enlèvent le grand étendard de l'Islam.

La honte des Turcs était proportionnée à leur défaite; mais elle trouva de l'adoucissement dans l'hallucination de  quelques-uns des leurs qui, d'après une chronique, au milieu de la mêlée et de la terrible confusion des combattants en proie sans doute à des visions que faisaient fuir à leurs yeux épouvantés les glaives étincelants des chevaliers, crurent voir dans l'air une croix d'or resplendissante, et une vierge vêtue de blanc, armée d'une lance, que suivait une troupe de guerriers richement armés.   Leur orgueil se plia plus docilement à l'influence d'un miracle par lequel le Ciel avait, selon eux, apporté aux chrétiens sa protection irrésistible, et le fatalisme musulman courba la tête avec résignation.  A cette soumission au destin, qui portait ainsi la défaillance dans l'âme des infidèles, vint se joindre encore un nouvel avertissement, pour eux, d'avoir à abandonner une lutte dans laquelle le croissant avait pâli devant l'auréole des chevaliers martyrs de la foi et de l’honneur.

La fatalité s'acharnait désespérer les soldats de Mahomet. Après avoir vu tomber ses meilleurs et plus braves officiers, l’armée tufeux perdit l’amiral de sa flotte, engagé dans un combat inégal où il commandait vingt galères, contre un navire espagnol qui cherchait à entrer dans le port de Rhodes, avec des secours arrivant d'Europe.

Les gens d'Espagne se conduisirent si bien, qu'ils dispersèrent leurs ennemis après en avoir tué le chef.   Dénombrement fait de ses troupes, le général turc trouva qu'en tués et blessés il avait perdu environ vingt-cinq mille hommes depuis le commencement de ce siège fatal. Il en était à calculer ses chances avec ce qui lui restait de soldats valides, lorsque les échos de la joie à laquelle se haveraient les défenseurs de Rhodes lui apportèrent la nouvelle qu'une escadre chargée de troupes venait à pleines voiles d'Occident, et qu'on espérait recevoir ce secours d'un jour à l'autre, pour rejeter les Turcs dans la mer qui les avait vomis sur ce rivage.

Le pacha pensa que le parti le plus sage était de ne pas attendre que ce renfort arrivât aux chrétiens.   Il préféra rembarquer son armée pendant qu'il le pouvait encore sûrement, aux risques de la fuite ignominieuse et précipitée lui pourrait être plus tard son seul moyen de salut.   Après avoir donné â ses farouches soldats la sauvage satisfaction d'assouvir leur rage sur une campagne sans défense, en promut la hache et la torche partout dans les villages, dans les jardins, sur les arbres et les vignes, il remonta sur ses vaisseaux, renonçant à une conquête à laquelle le Ciel lui-même semblait s'opposer. Les périls auxquels le chef de l'armée turque tournait le dos, lui laissaient désormais le loisir d'entrevoir un autre danger vers lequel ses navires le portaient.  Il connaissait assez la violence de son maître pour redouter sa colère lorsque celui-ci apprendrait son insuccès.  En effet, le terrible Mahomet reçut son vizir de façon à lui faire croire que sa tête allait payer sa défaite, et son étonnement fut grand de savoir que l'exil seul lui était imposé comme châtiment. Cependant le chef des Osmanlis ne pouvait plier son orgueil à l'idée que Rhodes lui résistait, et que les chevaliers chrétiens avaient vaincu son armée. Il résolut d'en rassembler une nouvelle et d'en prendre le commandement, sa présence devant, dans sa pensée, lui assurer la victoire.  Il avait déjà ceint le cimeterre victorieux de son ancêtre Osman, et il traversait l'Anatolie à la tête de ses troupes, lorsque la mort vint couper court à son entreprise.

Cet événement fut un nouveau sujet d'allégresse pour l'ordre de Saint-Jean. D'Aubusson ordonna de grandes actions de grâces pour remercier Dieu d'avoir enfin délivré la religion d'un ennemi si redoutable. A ces marques de reconnaissance envers le Très-Haut se mêlait la juste fierté de ce grand homme, qui, en honorant la main qui l'avait protégé, éprouvait la satisfaction de penser que le conquérant musulman qui s'était emparé de tant de contrées, avait foulé aux pieds deux couronnes et soumis tant de peuples divers, recula devant une petite place dont toute la force ne résidait que dans la bravoure d'une poignée de défenseurs. Pour consacrer le souvenir de l'héroïque conduite des chevaliers de l'Hôpital, d'Aubusson commanda à la fabrique d'Anvers, alors florissante, des tapisseries qui, exécutées sur les dessins d'un nommé Quintiu Messie, représentaient divers épisodes du siège soutenu en 1480.

Le grand maître, qui tenait à ce que la postérité connût toutes les actions dont l’ordre pouvait se glorifier, voulut avoir également des tapis qui rappelaient la prise de l'Ile par Villaret. On lit, dans les chroniques, que sur une de ces tentures se voyait, entre autres sujets commémoratifs, une troupe de chevaliers déguisés en bergers, entrant dans la ville; les uns poussaient devant eux un troupeau effrayé à la vue de l'ennemi, pendant que d'autres se jetaient sur les gardes de la porte et les égorgeaient.

C'était la reproduction d'un stratagème à l'aide duquel les troupes de Villaret s'étaient emparées d'une des portes de Rhodes. Le départ, ou plutôt la fuite de l'armée turque rendit la tranquillité aux Rhodites, et leur délivrance vint jeter une pâle lueur de joie sur le deuil dont l'héroïque cité de Saint-Jean était remplie. De combien de regrettables et braves chevaliers n'avait-elle pas à déplorer la perte!  Sur son lit de douleur, le grand maître lui-même ne voyait-il pas la mort à son chevet? Cependant d'Aubusson, n'ayant qu'une pensée, celle de la victoire et du triomphe de la croix, ordonna des processions solennelles et des prières pour remercier le Tout-Puissant de sa miséricordieuse intervention.

 

 

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